Le Baptême de Jésus
Mc 1,7-11
Nous sommes tous encore illuminés par la lumière de la fête que nous avons célébrée hier, la fête de l’Epiphanie. Nous avons vu que Dieu se manifeste, se révèle aux lointains, veut rejoindre tout Homme avec sa lumière, lumière de la miséricorde et de la paix.
Aujourd’hui aussi, en cette fête du baptême de Jésus, nous sommes rejoints par la même lumière. Aujourd’hui aussi, Dieu se révèle à nous et le fait d’une manière qui peut nous surprendre.
Le passage de l’Evangile de cette fête (Mc 1,7-11) est clairement divisé en deux parties.
La première partie (v.7-8) parle de Jean-Baptiste, de sa prédication et de l’attente qui l’animait : il savait que l’arrivée du Messie était imminente ; un Messie fort (Mc 1,7). Il attendait un Messie puissant qui, par sa force, par la supériorité de son pouvoir, rétablirait la justice, châtierait les pécheurs, éliminerait le mal.
C’est l’attente de Jean, et c’est, après tout, l’attente de chacun d’entre nous. Qu’attendons-nous de Dieu si ce n’est qu’il rétablisse les choses, qu’il élimine l’injustice, et qu’il le fasse avec force ? N’attendons-nous pas un Dieu qui puisse tout faire, et donc mettre fin à ce qui nous fait souffrir ? Ne continuons-nous pas à l’attendre ?
La deuxième partie de l’Evangile d’aujourd’hui (v. 9-11) parle d’un Dieu très différent de nos attentes, et elle le fait de toutes les manières imaginables, en cachant parmi les quelques mots une série d’indices qui parlent d’un Dieu pauvre.
Le premier indice est l’origine de ce Messie : Marc dit que Jésus ne vient pas d’un lieu important, d’une ville célèbre. Il ne vient pas de Jérusalem, le centre politique et
religieux du peuple, ni de Bethléem, la ville de David. Jésus vient de Nazareth en Galilée, ce qui signifie d’un lieu sans importance, d’un lieu d’où il semblait que rien de bon ne pouvait venir (cf. Jn 1,46).
De Nazareth, Jésus descend vers le Jourdain, vers l’un des points les plus bas de la terre.
Tout de suite après, Marc annonce la venue de ce Messie, mais il ne fait rien de remarquable, rien d’important ; il ne fait rien de différent de ce que font tous les autres. Comme tous les autres, il se fait baptiser.
Et il y a un dernier indice, caché dans l’image des cieux qui se déchirent. Les autres évangélistes, à ce même point de leur Evangile, disent que les cieux se sont ouverts et qu’une voix s’est fait entendre du ciel. Marc, en revanche, utilise un verbe beaucoup plus fort, il dit : les cieux se déchirèrent. Quelle est la différence ? La différence réside dans le fait que ce qui est ouvert peut également être refermé. Ce qui se déchire par contre, ne peut être refermé, car la déchirure a créé une rupture permanente, un nouvel état dont on ne peut revenir. Si les cieux se déchirent, toute la vie, la beauté, l’amour qui est là-haut n’a plus d’obstacle, plus de limites, et se déverse sur la Terre.
Marc utilisera également ce verbe à la fin de son Evangile, lorsque, immédiatement après la mort de Jésus, il dira que le voile du temple s’est déchiré (Mc 15,38).
Jésus meurt en criant, et le Père, d’une certaine manière, pleure, pleure, parce que le cri de son Fils, le cri de l’injustice, ne le laisse pas indifférent, car aucun cri ne le laisse jamais indifférent.
Dans le baptême, la même chose se produit : devant cette manière humble et discrète que Jésus choisit pour se révéler, le Père ouvre définitivement son monde, sa vie, sa Parole, son Esprit, pour attester solennellement, devant tous, que cet homme solidaire de tous les hommes est son Fils, le bien-aimé. Sa manière de vivre n’est pas différente de celle de Dieu, elle n’est pas autre chose : en Jésus, le Père se reconnaît, comme tout père se reconnaît dans son propre fils.
Le visage du Messie et de sa mission s’éclaire alors : c’est le visage d’un Dieu qui ne fuit pas la limite et la vulnérabilité pour tisser des liens avec les hommes, ses frères. Il vient nous sauver, bien sûr, mais son chemin est celui de l’amitié, de la solidarité ; non pas un geste de complaisance par lequel, d’en haut, sans se salir les mains, Dieu élimine le mal. L’amour de Dieu nous rejoint dans l’abîme de notre vie, telle qu’elle est, qui partage notre cri ; un amour qui se déchire pour nous faire place, pour faire de nous des enfants bien-aimés.
+Pierbattista