Évêque auxiliaire chargé
de la Communauté catholique hébréophone en Israël
"Je suis la résurrection et la vie. Le Patriarche latin, les Evêques auxiliaires et le clergé patriarcal de Jérusalem, en communion avec la communauté monastique bénédictine olivétaine à Abou-Gosh et avec la communauté catholique d 'expression hébraïque, ont la douleur de vous faire part du décès de leur frère et père, S.E. Mgr Jean-Baptiste Gourion, o.s.b., Abbé et Evêque auxiliaire pour la Communauté hébraïque, endormi dans le Seigneur à Jérusalem, le 23 juin 2005, dans la 7r année de son âge, la 38e de son ordination sacerdotale et la deuxième de son épiscopat, la veille de la fête de la Nativité de saint Jean-Baptiste. Les funérailles auront lieu dans l'église du monastère le mardi 28 juin 2005 à 14 h. Par ce communiqué, les chrétiens de Terre Sainte ont appris la mort, que beaucoup d'entre eux appréhendaient depuis plusieurs mois, de celui qu'ils appelaient simplement Jean-Baptiste depuis son arrivée en Terre Sainte en 1976.
Né le 24 octobre 1934 en Algérie dans une famille juive, Jean-Baptiste Gourion, jeune étudiant, vient d'Oran, sa ville natale, poursuivre à Paris des études supérieures de sciences naturelles et de médecine. À sa demande, il est baptisé dans la nuit de Pâques 1958 à l'Abbaye bénédictine olivétaine du Bec-Hellouin, en Normandie (France), qu'il connaissait depuis quelque temps. Il va y entrer en 1961 comme moine et entreprendre des études de philosophie et de théologie. Après avoir fait sa profession religieuse perpétuelle en 1965, il est ordonné prêtre en 1967.
En 1976, son abbé, Dom Paul Grammont, lui confie la mission, avec deux autres frères, Charles et Alain, de donner vie en Israël, à Abou-Gosh, l'un des lieux présumés d'Emmaüs depuis le Moyen Âge, à une nouvelle fondation monastique. Un couvent de bénédictines, olivétaines du Bec-Hellouin elles aussi, viendra s'implanter tout à côté l'année suivante. Quand, en 1987, la fondation est érigée en prieuré, le P. Gourion est son premier responsable, et il sera réélu en 1993 et 1999. De même, le monastère ayant été élevé au rang d'abbaye, il en est élu le premier abbé et reçoit, le 11 juillet 1999, la bénédiction du patriarche latin, Mgr Michel Sabbah. Celui-ci, en 1990, le nomme vicaire épiscopal et président de l'Œuvre de Saint-Jacques-Apôtre, c'est-à-dire la Communauté catholique d'expression hébraïque créée en Israël depuis 1955, dont il va assurer la responsabilité pastorale. Le Pape Jean-Paul II le confirme dans cette charge en le nommant, le 14 août 2003, avec le titre d'évêque titulaire de Lydda, auxiliaire du patriarche, qui le consacrera le 9 novembre de cette année-là dans la grande église de Kiryat Yearim, au-dessus d'Abou-Gosh.
Moins d'un an plus tard, alors qu'il a pris la mesure de ses nouvelles responsabilités, se manifestent chez Mgr Gourion les premiers symptômes d'un cancer. Ils iront s'accentuant, au fil des mois, malgré des périodes de rémission et d'espoir de guérison. Jean-Baptiste affrontera lucidement la maladie, déclarant un jour : « Le Seigneur me prépare une guérison qui me rendra des forces et comme un regain de vitalité pour servir l'Église, ou un départ, l'offrande de ma vie. » Jusqu'à la nuit du 22 au 23 juin 2005, durant laquelle ses frères bénédictins et l'une de ses sœurs, l'entourant, diront les psaumes des Montées.
Le 28 juin, ses obsèques se sont déroulées dans le climat de grande sérénité qu'entretiennent depuis longtemps ses frères bénédictins et leurs sœurs moniales du couvent voisin. De France, étaient venus : Mme Gourion, sa mère, un frère et deux sœurs ainsi que d'autres membres de sa famille ; des frères et sœurs olivétains, dont les RR.PP. Paul-Emmanuel Clenet et François You, abbés des monastères du Bec et de Maylis, les Mères Hughes-Marie et Thibaud, de Saint-Françoise Romaine et du Mesnil, etc. D'Italie, arriva le R.P. Michelangelo Terribili, abbé général des Bénédictins olivétains.
De Terre Sainte, étaient présents : en grand nombre, les membres de la Qehilah (la communauté catholique hébréophone d'Israël), notamment ceux de Jérusalem, Tel A vi v-Yafo, Haïfa et Beer-Sheva où se trouvent les principaux groupes locaux, des amis juifs, mais également des fidèles chrétiens arabes, en particulier de familles de Bethléem dans lesquelles Jean-Baptiste aimait se rendre; des membres français duConsulat de Jérusalem, de !'Ambassade de Tel Aviv, des religieux et religieuses de diverses communautés de Terre Sainte comme de l'étranger.
La cérémonie a été présidée par le Patriarche Michel Sabbah, qui était entouré notamment des Cardinaux Georges Cottier, venu de Rome, et Carlo Maria Martini, archevêque émérite de Milan retiré à Jérusalem, de NN.SS. Pietro Sambi, nonce en Israël, Mgr Boulas Marcuzzo, évêque auxiliaire à Nazareth pour Israël, Francis Deniau, évêque de Nevers, représentant la Conférence des évêques de France, des membres de l'Assemblée des Ordinaires catholique de Terre Sainte dont Mgr Gourion faisait partie, et notamment le R.P. Pierbattista Pizzaballa, Custode de Terre Sainte, qui a secondé Jean-Baptiste durant plusieurs années dans sa charge pastorale au service de la communauté hébréophone de Jérusalem, ainsi qu'une centaine de prêtres.
Le Patriarche Michel Sabbah a introduit ainsi la cérémonie :
"Nous accompagnons de nos prières ce soir Mgr Jean-Baptiste Gourion, abbé de ce monastère de la Résurrection et évêque pour la communauté catholique d'expression hébraïque. Dieu nous l'a donné, Dieu l'a rappelé à la vie avec lui. Venu dans cette terre avec ses frères et sœurs, religieux et religieuses de ce monastère, il a voulu y être avec eux une présence de prière, de réconciliation et de paix. Lui-même juif, toute la communauté avec lui venue pour s'unir à la prière et au sort du peuple juif, il aimait dire qu'ils furent d'abord accueillis par des religieuses palestiniennes, les religieuses de Saint-Joseph à Ramallah. Il aimait rappeler cet accueil fraternel pour marquer à la fois sa conscience de la tragédie de cette terre, de la réconciliation dont elle avait besoin et du mystère de Dieu en elle.
Avec sa fidélité à la prière monastique, avec ses frères et sœurs, il a bien voulu accepter la charge pastorale de la communauté d'expression hébraïque, comme vicaire épiscopal puis comme évêque, envoyé spécialement à son peuple par le pape Jean-Paul II, tous les deux aujourd'hui dans la joie du Père. Nous remercions sa communauté, ses frères et sœurs, pour avoir accepté cet envoi, et pour l'avoir accompagné et soutenu dans sa charge pastorale.
Son départ fut rapide, non attendu, pour nos yeux et nos sentiments humains. Mais pour Dieu, la vie est une, continue, sans séparation, sur terre et dans l'au-delà de notre terre. En ce moment d'adieu, nous remettons notre frère Jean-Baptiste, et nous-mêmes, entre les mains de Dieu, et nous rentrons dans le mystère de Dieu, source à la fois de souffrance et de sérénité. En ce moment, face à la mort, nous aussi, nous proclamons avec les disciples d'Emmaüs et avec la foi de toute l'Église : le Seigneur est ressuscité. Toute mort est une résurrection à la vie éternelle et toute vie est une attente de la Résurrection.
Le cardinal Georges Cottier prononça l'homélie, dans laquelle il mit en relief comme « pages » du testament du Père Jean-Baptiste, « l'abandon, la paix filiale de qui est totalement abandonné à la volonté de Dieu » et ensuite le mystère d'Israël, « la vie du Père Jean-Baptiste étant pour ainsi dire identifiée à ce mystère, lui-même indissociable du mystère de l'Église » (…). Il déclara en particulier :
« Il est particulièrement impressionnant de penser que les événements marquants de la vie du P. Jean-Baptiste sont consécutifs à des actes d'obéissance. » Le religieux, envoyé par ses supérieurs, viendra en terre d'Israël pour la fondation du monastère d'Abou-Gosh. Puis l'obéissance au Saint-Père le conduira à recevoir l'ordination comme évêque auxiliaire du Patriarche latin de Jérusalem, chargé de la communauté hébréophone. Ce sont là deux événements majeurs liés chacun à la vocation d'Israël. Dans les deux cas, par l'obéissance, le P. Jean-Baptiste a vécu l'abandon à la volonté de Dieu d'une manière plus plénière. Dans la vie de votre Père Abbé, continua le cardinal, chers frères et vous aussi, chères sœurs, on peut lire la vocation d'Abou-Gosh : l'insertion dans la vie du peuple élu de Dieu dans la phase actuelle de son histoire. Cette insertion, elle, se réalise par la fidélité à votre vocation bénédictine – vie de foi et de louange et de témoins de la béatitude des artisans de paix.
Un message de condoléances du pape Benoît XVI, transmis par le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d'État, au patriarche Michel Sabbah, fut lu pendant la messe par Mgr Pietro Sambi, nonce apostolique :
"Le Saint-Père a été attristé par la nouvelle de la mort du Révérendissime Jean-Baptiste Gourion, évêque auxiliaire du Patriarche latin de Jérusalem et vicaire patriarcal de la communauté hébréophone. Sa Sainteté envoie ses sincères condoléances à Votre Béatitude, aux évêques, clergé et laïcs du Patriarcat et prie que Dieu, le Père des miséricordes, récompense Monseigneur Gourion pour son dévouement au service du peuple de Dieu. À tous ceux qui pleurent son passage, le Saint-Père accorde sa Bénédiction apostolique comme gage de force et de paix dans le Christ ressuscité.
Au petit cimetière de l'Abbaye prit la parole le consul général de France, M. Régis Koetschet, qui déclara notamment :
« La France souhaite rendre hommage à ce parcours qu'elle est heureuse d'avoir quelque part partagé. » Nous savons ce que le domaine national français (NDLR : le monastère d'Abou Gosh en fait partie) doit à Frère Jean-Baptiste, de la beauté des fresques restaurées de la basilique à l'humanisme de son rayonnement… Dans les moments de doute et de découragement, nous savions tous trouver, ici, après de Jean-Baptiste, l'écoute, le sourire – j'allais dire la rondeur –, le conseil, la force, l'inspiration et puiser à cette force qui ne le quittait pas.
Il fut suivi du maire arabe israélien du village d'Abou-Gosh et d'une famille amie, puis Patrick, le frère de Jean-Baptiste, lut un poème de leur cousine, Colette, avant de dire le Kaddich, la prière juive pour les morts.
Enfin, le frère Charles, un des deux compagnons de Jean-Baptiste à l'arrivée en Terre Sainte en 1976 et prieur de l'Abbaye, lut une lettre du cardinal Jean-Marie Lustiger. L'archevêque émérite de Paris, juif lui-même, s'adresse ainsi à la communauté d'Abou-Gosh :
"… Dom Grammont, au Bec-Hellouin, vous envoyait fonder votre monastère d'Abou-Gosh. Pour Jean-Baptiste, fils d'Israël, ce départ était aussi un retour, un don de Dieu. Votre Fondation a partagé la grâce ainsi faite à celui qui allait devenir votre premier abbé. Mais ni le Père Paul, ni Jean-Baptiste, ni personne ne pouvait comprendre où mènerait le chemin dans lequel le Seigneur vous engageait par cette décision vraiment prophétique. Cette grâce est un appel à donner gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement.
Comme en réponse, M. Jean Guéguinou, ambassadeur de France, qui fut consul général de France à Jérusalem et a accompagné la fondation olivétaine depuis ses débuts, a écrit dans la Lettre des Amis de la Communauté bénédictine d'Abou-Gosh dont il est le président :
« Jean-Baptiste a fondé une communauté, il a forgé un esprit qui était éloigné des prêchi-prêcha unanimistes, puisqu'il relevait de la reconnaissance de l'autre dans sa vérité et sans abandon de soi-même. »… « La capacité d'écoute, le goût du contact, la curiosité multiforme d'Abouna a permis à ce monastère de s'insérer dans l'Église locale et d'y trouver sa place spécifique et porteuse d'avenir".