TERRE SAINTE - Elles portent du bleu, du noir, du marron ou du blanc... Elles travaillent dans des bureaux, des écoles, des institutions, des églises... Elles portent des croix autour du cou, un anneau autour du doigt, des voiles sur la tête... Elles sont les pierres vivantes de l'Église Mère, les âmes qui œuvrent discrètement pour faire rayonner l'Eglise. Parti à la rencontre de dix petites congrégations féminines de Terre Sainte, lpj.org vous invite aujourd'hui chez les Sœurs de Sainte-Dorothée, Filles des Sacré-Cœurs.
A l’institut Effeta, les Sœurs de Sainte-Dorothée accueillent des enfants sourds ou malentendants de la crèche au lycée
Fondées par un prêtre italien en novembre 1836, les Sœurs de Sainte-Dorothée se consacraient à l’origine à l’éducation des jeunes filles pauvres. Aujourd’hui, on les trouve dans de nombreux domaines sociaux, notamment l’éducation, la santé et la pastoral.
Des enseignantes « de vocation avérée »
C’est San Giovanni Antonio Farina, alors encore jeune prêtre, qui décide de créer une congrégation entièrement dédiée à l’éducation des jeunes filles, après s’être vu confié la tâche de créer un institut pour ces dernières. Après plusieurs péripéties, un établissement ouvre ses portes en 1831 et accueille alors 24 pensionnaires. Le personnel est alors laïc et salarié ; mais rapidement, San Giovanni exprime le désir que l’école soit gouvernée par « des femmes totalement consacrées à la charité et à la formation des générations futures, qui vivraient dans l’institut selon leur règle religieuse. »
San Giovanni Antonio Farina
« Au début, notre congrégation se concentrait vraiment sur l’éducation des filles pauvres, » explique Sr. Anastasie, une Sœur de Sainte-Dorothée vivant à Bethléem. « Puis nous avons commencé à nous occuper de malades, de sourds-muets et de non-voyants. Aujourd’hui, nous n’avons plus d’instituts consacrés aux non-voyants, mais nous sommes encore très présentes aux côtés des sourds-muets. »
Après la mort de San Giovanni, la congrégation continue de grandir. En 1924, elle commence son développement hors Italie, notamment en Equateur. En 1927, les Sœurs de Sainte-Dorothée arrivent en Terre Sainte, d’abord à Deir Rafat, où se trouvaient un orphelinat, une école et le sanctuaire Notre-Dame de Palestine, puis ensuite au Patriarcat latin, ainsi qu’au séminaire de Beit Jala. « Là-bas, nous nous occupions de la gestion du lieu et la maison, comme au Patriarcat latin, » raconte Sr. Anastasie. « Nous étions aussi à l’hôpital psychiatrique de Bethléem, à Ratisbonne, à la Flagellation et au couvent des Pères de Betharam et à Saint Jean d’Acre. Aujourd’hui, nous nous occupons d’écoles, notamment en Jordanie, nous agissons dans les paroisses, et certaines d’entre nous sont infirmières ou médecins. Toutes, nous travaillons au service des plus pauvres et des plus démunis. »
Aujourd’hui, la congrégation est présente à Jérusalem depuis 2008 (maison provinciale, de formation et de repos pour les sœurs âgées), en Haute Galilée au service de l’église Melkite (pastoral des jeunes, de la famille, des malades et catéchèse), à Zarqa et Jabal Al-Hashimyn en Jordanie (service des paroisses et des écoles du Patriarcat latin), et enfin à Bethléem (institut Effeta Paul VI).
L’institut Effeta Paul VI
En 1964, le pape Paul IV – surnommé le Pape au grand cœur par le Patriarche Grec Orthodoxe Athénagoras 1er – se rend pour la première fois en pèlerinage en Terre Sainte. Frappé par la présence nombreuse d’enfants sourds, non pris en charge, à Bethléem et dans les environs (deuxième handicap le plus important de la région), il réclame la fondation d’un établissement qui leur serait consacré. La supérieure générale des Sœurs de Sainte-Dorothée, Sr. Irma Zorzanello, se propose alors de lui offrir un terrain pour la construction dudit établissement. Le Pape accepte… en leur demandant d’en prendre en charge la gestion. Ainsi, le 30 juin 1971, grâce notamment à la Mission Pontificale pour la Palestine, mais aussi aux interventions du Patriarche de l’époque, Mgr Alberto Gori, Effeta Paul VI est inauguré par le Cardinal Maximilien de Fürstenberg, futur Grand Maître de l’Ordre du Saint-Sépulcre.
« Nous avions déjà commencé la réalisation d’un projet sur le site que nous possédions, mais la venue du Pape a tout changé et accéléré considérablement le projet, » explique Sr. Anastasie. « Tout a été revu et après six ans de travaux, l’institut a pu accueillir en son sein 25 élèves, dont six venus de Jordanie. Cette année, nous en avons accueilli environ 200. »
Séance de danse pour les élèves d’Effeta
Aujourd’hui, plus de 35 enseignants et logopédistes travaillent à Effeta, afin d’aider les élèves, sourds ou malentendants à s’intégrer dans la société et à retrouver un langage oral correct. « Le fondement de notre institut est vraiment la logopédie. Nous cherchons à donner aux enfants la possibilité de s’exprimer et d’apprendre à parler quand c’est possible. »
Afin de maximiser les chances de récupération du langage oral, Effeta accueille des élèves de moins d’un an jusqu’à la terminale, dans des classes de 15 élèves maximum. « Plus on commence tôt, plus les chances sont élevées. Beaucoup arrivent ici sans pouvoir prononcer un mot, puis, grâce aux séances quotidiennes de logopédie, deviennent petit à petit capables de s’exprimer. »
Actuellement, l’institut est supervisé par quatre sœurs de Sainte-Dorothée, dont une logopédiste d’origine jordanienne, Sr. Amal Hijazeen. Une sœur italienne s’occupe également d’organiser les activités manuelles pour les élèves. Mais toutes gèrent l’internat pour jeunes filles. « Nous proposons un hébergement aux élèves qui habitent loin et pour qui il est difficile de se déplacer, à cause de la distance et des checkpoints. Malheureusement, nous n’avons que peu de place, donc nous n’accueillons plus que quelques filles. Avant, nous prenions aussi les garçons, » explique Sr. Anastasie, qui est quant à elle la responsable de la communauté.
Les activités manuelles occupent une place importante dans la vie des élèves de l’Institut ; les couloirs d’Effeta sont d’ailleurs resplendissants de dessins, de collages et de mosaïques diverses, créations originales des enfants.
Une chrétienne de plus en Terre Sainte
Contrairement à la majorité des sœurs de Sainte-Dorothée de Terre Sainte, qui sont pour la plupart italiennes ou jordaniennes, voire palestiniennes ou arabe-israéliennes, Sr. Anastasie est ivoirienne. Elle est la première sœur de cette nationalité à venir en Terre Sainte ; « c’est tout une histoire, » sourit-elle lorsqu’on lui pose la question.
Sr Anastasie
« Mon parcours personnel découle de deux choses ; ma vocation religieuse et ma vocation pour la Terre Sainte. J’ai grandi dans une famille très croyante et très pratiquante, et j’ai développé très tôt le désir de consacrer ma vie au Seigneur. J’ai donc rejoint la congrégation des Sœurs de Sainte-Dorothée, qui était très active dans ma paroisse en Côte d’Ivoire, puis je suis partie en Italie pour commencer ma formation. J’ai prononcé mes premiers vœux en 2004 et mes vœux perpétuels en 2011. Et je suis en Terre Sainte depuis plus de dix ans. »
Dès l’enfance, Sr. Anastasie développe un désir particulier. « Quand j’étais petite, j’ai été très marquée par les collectes du Vendredi Saint, consacrées à la Terre Sainte. Et je me souviens avoir été très touchée quand j’ai entendu parler des problèmes de l’Eglise locale, du fait qu’il n’y avait pas assez de chrétiens là-bas. Je me suis alors dit que je voulais être une chrétienne de plus en Terre Sainte. »
Plus Sr. Anastasie grandit, plus ce désir revient. Quand elle devient religieuse, elle sait que si un besoin est exprimé pour la Terre Sainte, elle se portera volontaire. Mais jamais elle n’exprime à quiconque ce vœu… du moins jusqu’en 2006, où, lors d’une retraite spirituelle, elle finit par le remettre à la Vierge Marie. « Je n’arrêtais pas d’y penser, alors je l’ai confié à la Vierge. Un mois et demi plus tard, alors que je devais partir compléter ma formation en Italie, on m’annonce que je vais finalement la faire en Terre Sainte. »
Avec ses sœurs, devant le Cenacolino des Franciscains, à l’occasion de l’ouverture du chapitre de la congrégation
C’est donc en 2007 que Sr. Anastasie voit son désir se concrétiser. Mais une fois sa formation finie, elle doit retourner en Côte d’Ivoire ; elle raconte alors son expérience et son attrait pour la Terre Sainte à sa supérieure, lui faisant savoir qu’elle est disponible pour y revenir un jour, si l’occasion se présente. Quelques années plus tard, peu de temps après ses vœux perpétuels, Sr. Anastasie est renvoyée à Terre Sainte, cette fois définitivement.
« Je suis d’abord allée à Bethléem, puis j’ai passé un an en Jordanie avant d’être envoyée à Jérusalem puis à Saint Jean d’Acre, où nous avions auparavant une petite communauté. Aujourd’hui, je suis de retour à Effeta, mais je vais bientôt retourner à Jérusalem, dans notre maison provinciale. »
Enseignante de formation (maternelle et primaire), Sr. Anastasie est, en plus d’être la responsable actuelle de la communauté d’Effeta, la responsable de la pastorale de la communauté africaine francophone de Terre Sainte. « C’est un prêtre camerounais qui s’occupait auparavant de cette pastorale. Quand je suis revenue ici en 2011, il m’a invitée à assister à la messe. C’est comme ça que j’ai connu la communauté. J’ai été nommée responsable de la pastorale en 2018, et depuis je travaille en collaboration avec deux prêtres étudiants pour organiser les activités de la communauté – qui ont lieu chaque semaine à Jaffa (Tel-Aviv). »
Bref aperçu
- Nom : Sœurs de Sainte-Dorothée, Filles des Sacré-Cœurs
- Fondateur : † Mgr Giovanni Antonio Farina
- Acronyme : SDVI
- Charisme : Fondé sur la miséricorde et la charité, les vertus de la Vierge Marie et le Sacré-Cœur.
- Spiritualité : « Incarner les sentiments du Sacré-Cœur dans un excès de charité » - « témoigner de l'amour de Dieu dans le monde » - « prendre soin des faiblesses et des fragilités, surtout des plus pauvres de corps et d'esprit ».
- Pays d'origine : Italie
- Localisation aujourd'hui : Italie, Mexique, Colombie, Equateur, Brésil, Côte d’Ivoire, Togo, Espagne, Angleterre, Pologne, Ukraine, Roumanie, Inde et Terre Sainte.
- Habit : entièrement noir, sauf dans les pays chauds ou les hôpitaux, où les sœurs sont en blanc. Pour les pays comme la Terre Sainte ou l’Italie, les sœurs passent du noir au blanc selon la saison. La médaille du Sacré-Cœur qu’elles portent continuellement symbolise leur spiritualité.
- Anecdote(s) : Outre les Filles des Sacré-Cœurs, il existe trois autres congrégations sous le patronage de Sainte Dorothée : les Sœurs de sainte Dorothée de CEMMO, de Frassinetti et les Sœurs maîtresses de sainte Dorothée.
- Site Internet : https://sdvi.org/