Conférence à Saint Jacques de Compostelle - 7 octobre 2022
VIIe Congrès mondial sur la pastorale du tourisme
1. Homo viator
Le pèlerinage est un besoin anthropologique profond de l'homme qui s'enracine dans son besoin constant d'être à la recherche d'un lieu. Il fait l'expérience, sous diverses formes, d'être existentiellement "déplacé", précaire, itinérant dans ce monde, en d'autres termes : loin du plein bonheur. Assoiffé d'absolu, nomade inquiet, touriste de la vérité, éternel errant vers l'Au-delà, il ne s'arrête jamais devant ses limites, étant à la recherche constante de la pleine réalisation de son existence : il est par essence homo viator[1]. En ce sens, le pèlerinage est aussi vieux que l'homme lui-même et découle de sa religiosité naturelle : il y a toujours eu des lieux considérés comme spéciaux, presque des ponts entre le ciel et la terre. Le lieu saint est, dès le départ, axis mundi, la porte du numineux, où l'on se rend en quête de sécurité, pour recevoir des réponses ou pour implorer les grâces des forces supérieures et célestes.
"Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre"[2]: si ce que dit Blaise Pascal est en partie vrai, il est certain, d'autre part, que l'homme, conscient de vivre sous une tente temporaire et précaire, est à la recherche de sa véritable patrie. L'agitation qui le pousse vers l'Autre que lui-même est, après tout, son "moteur existentiel".
Lors de la fête juive de Sukkòt ("Tentes" ou "Cabanes"), chaque famille juive doit accomplir le mitzvàh, le "précepte", de construire une sukkàh, une "tente" en plein air, dont le toit doit être fait de palmiers, afin de contempler les étoiles. A cette occasion, le zikkaròn, "souvenir", est fait de l'errance du peuple dans le désert. Le pouvoir du mémorial est tout entier dans l'actualisation : un Juif ne peut oublier qu'il est toujours un pèlerin sur terre et qu'il doit revivre chaque année cette expérience primordiale du pèlerinage dans le désert. Je note au passage qu'il y a des Arabes bédouins, aujourd'hui sédentarisés, qui aiment passer un court moment sous la tente de temps en temps pour ne pas oublier leurs racines !
2. Deus viator pour homo viator
La révélation divine se greffe sur cette quête naturelle, anthropologique et religieuse de l'homme, la renouvelant et la transfigurant. Le philosophe juif E. Lévinas a magistralement souligné les différences entre les mentalités grecques et juives dans les distinctions radicales qui opposent l'errance d'Ulysse et celle d'Abraham. Le premier effectue un voyage vers l'inconnu et à la recherche de l’autre, mais un voyage qui revient finalement à sa patrie, à sa famille et à soi-même : il est cyclique. Le voyage d’Abraham est au contraire totalement ouvert : Abraham " quitte pour toujours sa patrie pour une terre encore inconnue et [...] interdit à son serviteur même de ramener son fils au point de départ"[3]. C'est pourquoi Dieu appelle Abraham au pèlerinage de la foi en ces termes : "Va (lekh lekhà) hors de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai" (Gn 12, 1).
Dans la tradition biblique, partir en pèlerinage signifie - selon la phrase répétée comme un refrain dans le Deutéronome - se rendre au "lieu que le Seigneur choisira"[4]. C'est peut-être précisément pour cela qu'un tel lieu reste anonyme : il ne s'agit pas seulement d'un lieu physique, mais d'une démarche vers le Seigneur ! Ce n'est pas un hasard si, selon la tradition juive, le premier "lieu saint" est Dieu lui-même. Dès l'Antiquité, le temple de Jérusalem, lieu de la demeure de Dieu dans le monde, était simplement appelé ha-maqòm, "le lieu"[5], devenant par la suite une expression de la littérature rabbinique pour désigner Dieu Lui-même, "le Lieu" par excellence[6], comme le précise Philon d'Alexandrie († vers 45 après J.-C.) : " Dieu Lui-même est appelé "lieu" (autos ho theos kaleitai topos), parce qu'Il contient tout sans être absolument contenu par quoi que ce soit, qu'Il est le refuge de tout et parce qu'Il est Son propre lieu, étant contenu en Lui-même et développé par Lui seul"[7].
D'autre part, en appelant l'homme au pèlerinage le plus audacieux qui soit - le voyage perpétuellement et dynamiquement ouvert vers l'Infini qui est lui-même ! – Dieu est tout sauf distant. La question de savoir si Jésus était un migrant ou non fait l'objet de nombreux débats aujourd'hui - non sans controverse. En réalité, déjà dans la première alliance, Dieu a fait beaucoup plus. Habitant sous une tente au milieu du peuple errant dans le désert, il est devenu un pèlerin avec le peuple, nomade, itinérant, Deus viator pour homo viator. Il est le premier véritable guide pour les pèlerins ! Dans l'Ancien Testament, Dieu est donc déjà à la fois le guide du peuple et sa destination, son véritable lieu. Celle-ci sera pleinement réalisée dans le Christ, le Voyageur et en même temps "le Lieu" par excellence, le Temple fait chair.
3. Pèlerinage vers le visage de Dieu
Comme on le sait, le pèlerinage est fondamental dans la foi juive (comme il le sera plus tard dans la foi musulmane) et l'était particulièrement à l'époque de Jésus, lorsque le temple était encore debout. La Torah elle-même, en Dt 16, 16, prescrit le pèlerinage à Jérusalem à l'occasion des fêtes annuelles de Soukkòt, Pèsaḥ et Shavou'òt, avec, littéralement, ces mots: "Trois fois par an, chacun de tes mâles sera vu avec le Seigneur ton Dieu [généralement traduit par " se présentera devant le Seigneur ton Dieu "ed.], à l’endroit qu’Il aura désigné ". Cette phrase est en fait une interprétation ultérieure des scribes des VIIe-VIIIe siècles de notre ère, les Massorètes, qui ont ajouté des voyelles au texte hébreu initialement consonantique. En effet, le texte consonantique littéral se lit ainsi : "Chacun de tes mâles verra (yir'èh) la face du Seigneur"(cf. Ex 23,17). Les Massorètes, soucieux d'éviter tout anthropomorphisme, ne voulaient pas que le lecteur se méprenne sur ce que le texte dit clairement : le pèlerinage au temple de Jérusalem équivaut même à "voir la face du Seigneur".
Depuis l'Antiquité, en effet, le temple de Jérusalem était considéré comme le centre de la terre et la porte du ciel, l'axis mundi, le nombril du monde[8], comme l'écrivait l'auteur du Livre des Jubilés, avant même l'ère chrétienne : "Le jardin d'Eden est le Saint des Saints et la demeure du Seigneur, le mont Sinaï est le centre du désert, le mont Sion est le centre du nombril de la terre : ces trois lieux ont été créés comme des lieux saints, l'un avant l'autre"[9]. Le Midrash Tanḥuma explicite cette tradition : "De même que le nombril est situé au centre de l'être humain, la terre d'Israël est située au centre du monde [...]. La terre d'Israël se trouve au centre du monde, Jérusalem au centre de la terre d'Israël, le temple au centre de Jérusalem, le sanctuaire au centre du temple, l'arche au centre du sanctuaire, et la pierre de fondation, à partir de laquelle le monde entier a été fondé, devant l'arche"[10].
Le temple de Jérusalem est ainsi considéré, à l'instar du rêve de Jacob en Gn 28, comme le "lieu" par excellence (v. 10 : "[Jacob] est venu sur le lieu"), la "pierre" de fondation du monde (cf. v. 11), l'escalier (sullàm) entre ciel et terre sur lequel se tient Yhwh (v. 12-13), la "porte du ciel" (v. 17), la "maison de Dieu" (bet-èl, v. 19). Le Saint des Saints était considéré comme le lieu du jardin d'Eden, le pont entre la Jérusalem terrestre et céleste.
Comme on le sait, les premiers judéo-chrétiens ont repris cette tradition, transférant le centre de la terre au mont Golgotha. Dans la version arabe de l'évangile apocryphe La Caverne des Trésors, Adam reçoit l'ordre d'être enterré sur le lieu de la mort et de la résurrection du Christ: "Le lieu où ton corps sera déposé est le centre de la terre, d'où et dans lequel le salut viendra pour toi et pour tous tes enfants (...). Adam a appelé cette grotte la 'grotte des trésors' "[11]. Origène confirme également cette tradition dans son Commentaire sur Matthieu (vers 245 après J.-C.) : "Le corps du premier homme a été enterré à l'endroit même où le Christ a été crucifié, afin que, comme tous meurent en Adam, tous reçoivent la vie dans le Christ (cf. 1 Co 15, 22)"[12]. C'est une belle interprétation : à l'endroit où Adam est descendu dans la tombe, le Christ, le nouvel Adam, est mort et est descendu pour rendre la vie au premier homme.
4. Yerushalàim : la "dualité" de Jérusalem
Le nom hébreu de Jérusalem lui-même, Yerushalàim, est très évocateur. Abstraction faite de son étymologie scientifique, il s'agit grammaticalement d'une forme duelle, comme pour indiquer qu'il y a deux Jérusalem : l'une terrestre, l'autre céleste. Ce n'est pas un hasard si le livre de l'Apocalypse se termine par la vision merveilleuse de Jérusalem descendant du ciel (cc. 21-22) : elle est la "tente de Dieu parmi les hommes" (21,3), où s’accomplit l'errance de Dieu dans la tente avec les Israélites, dans le désert, ses "douze portes" sont ouvertes vers les quatre points cardinaux parce qu'elle est la métropole cosmopolite par excellence (21,12-13), elle est le nouvel Eden (22,1-2). C'est la destination de notre pèlerinage !
Cela explique comment le pèlerinage en Terre Sainte, qui trouve ses racines dans le judaïsme, s'est développé dans l'Église dès les premiers siècles non seulement comme une pratique de dévotion, mais aussi et surtout comme un retour aux sources de la foi, en particulier à l'Écriture et à l'historicité de la révélation (cf. Méliton de Sardes, saint Alexandre de Cappadoce [ou de Jérusalem], Origène, saint Pionios de Smyrne, Eusèbe de Césarée, saint Jérôme) ; comme un contact vivant avec la liturgie mère de l'Église de Jérusalem (Égérie), avec le monachisme (saint Jean Cassien, saint Jérôme, Cyrille de Scythopolis, Jean Moschus) et avec la Jérusalem chrétienne cosmopolite[13]; comme un renouveau du catéchuménat et un chemin pénitentiel (surtout au Moyen Âge).
5. Les chrétiens de Terre Sainte, citoyens de la "double Jérusalem".
Avons-nous oublié, pris dans l'exposé passionné du contexte décrit, les Chrétiens de Terre Sainte ? Pas du tout ! Au contraire, à travers cela, nous avons peut-être déjà sondé les profondeurs de leur identité, de l'admirable paradoxe dans lequel ils vivent et qui constitue leur "croix et délice" : être suspendus entre les deux Jérusalem, céleste et terrestre. Nés là où "nous sommes tous nés" et où "se trouvent toutes nos sources" (Ps 87,5.7), nos Chrétiens sont souvent des étrangers sur leur propre terre. Élevés dans l'Église mère de Jérusalem, nourris et soutenus par l'Église universelle, ils se sentent souvent en marge de celle-ci. Fiers à juste titre d'être originaires des Lieux Saints, ils renient la pratique de la foi dans plusieurs cas. Ils sont arabes, mais pas musulmans. Ce sont des Palestiniens, mais pas des partisans d'un État islamique. Ils portent la croix du Christ sur leur maison, sur leur poitrine, et souvent en tatouage sur leur chair, mais parfois ils font passer Barabbas avant Lui, à la poursuite d’une justice plus humaine (mais qui d'entre nous, au moins une fois dans sa vie, n'a jamais choisi Barabbas?[14]) De nombreux chrétiens sont israéliens, mais pas juifs : c'est le cas des chrétiens arabo-israéliens, des chrétiens de langue hébraïque et de nombreux migrants. Pour compliquer encore les choses, la majorité des fidèles en Terre Sainte sont chrétiens, mais pas catholiques (ils sont surtout orthodoxes), tandis que la majorité des catholiques ne sont pas de rite latin, mais oriental ! Songez qu'en arabe, les Grecs orthodoxes sont appelés rum orthodoxe ("orthodoxe romain") et les Grecs catholiques rum katolìk ("catholiques romains")! Nous pourrions facilement allonger la liste des paradoxes vécus par nos fidèles, mais qu'il nous suffise d'avoir un immense respect pour leur valeur - ils ont gardé la foi pendant des siècles aux mains d'une majorité non chrétienne ! - et de leurs blessures, de les aimer comme des frères, en les corrigeant si nécessaire, mais pas avant d'avoir apprécié leur importance.
Tout cela rend d'ailleurs nos fidèles semblables aux pèlerins et, en définitive, à tous les hommes : eux aussi sont précaires ou, en tout cas, se sentent dans de nombreux cas étrangers sur leur propre terre, ne s'identifiant pas tout simplement à un État juif ou à un État à majorité musulmane, même s'ils essaient de vivre en paix et d'être de bons citoyens. En définitive, nos fidèles de Terre Sainte sont plus que jamais appelés à accepter la réalité - admirable et paradoxale à la fois - qui a caractérisé les premiers chrétiens, selon ce que dit d'eux la Lettre à Diognète (5,5) : "Ils habitent dans leur patrie, mais comme des étrangers ; ils participent à tout comme des citoyens et supportent tout comme des étrangers ; toute terre étrangère est pour eux une patrie et toute patrie, une terre étrangère".
Dans le texte ci-dessus, nous avons traduit le terme grec pàroikoi par "étrangers". Le terme "paroisse" vient précisément du grec paroikìa, qui peut signifier soit une réalité "proche du foyer", soit une réalité qui, tout en étant proche, est "hors du foyer". L'un des signes des temps que nous devons constater est précisément le fait que la paroisse, si "proche de la maison" dans un environnement de chrétienté, est maintenant de plus en plus "hors de la maison", de plus en plus un pèlerin dans le monde. Nous revenons, en effet, à des temps semblables à ceux de l'Église apostolique, lorsque les chrétiens étaient une minorité au milieu d'un monde païen. L'Église y est de plus en plus appelée à être le sel, la lumière et le levain, en essayant d'éviter les deux extrêmes opposés : pleurer sur elle-même d'une part, restaurer obstinément le christianisme du bon vieux temps d'autre part.
L'Église catholique, dans ce contexte particulier, est numériquement faible (environ 1% de la population totale), mais riche de nombreuses initiatives et institutions. Il existe plus d'une centaine d'écoles catholiques, nombreux aussi les centres d'études bibliques et théologiques, les refuges et les maisons pour accueillir les différentes formes de fragilité (hôpitaux, maisons pour handicapés, orphelinats, etc.). Les prêtres diocésains, tous locaux, sont plus d'une centaine. A côté d'eux, il y a environ six cents religieux et environ un millier de religieuses, dont le service est particulièrement précieux et apprécié. L'Eglise de Terre Sainte est l'Eglise des Lieux Saints, bien connue et un point de référence central pour l'identité chrétienne de nos communautés dans le pays tout entier. Mais on ne peut séparer les Lieux Saints des communautés ecclésiales qui vivent autour d'eux et des institutions que ces communautés ont créées au fil du temps.
L'identité de la communauté chrétienne n'est pas seulement liée à des sites ou des monuments individuels, comme si ceux-ci pouvaient être séparés les uns des autres ou isolés de leurs communautés respectives. L'identité chrétienne des communautés de Terre Sainte est centrée sur ses Lieux Saints, mais elle s'articule également autour de leurs écoles, de leurs hôpitaux et de leurs activités culturelles, sociales et économiques. En résumé, on ne peut séparer les Lieux des personnes et de leur vie quotidienne.
Un pèlerinage en Terre Sainte, à Jérusalem en particulier, doit être un retour aux sources de notre foi, une rencontre avec l'humanité du Christ et l'historicité de la révélation divine, mais ce pèlerinage doit aussi devenir une rencontre avec cette petite partie de l'Église qui maintient le témoignage chrétien vivant en ces lieux.
En conclusion, les chrétiens locaux, bien que marqués par des conflits et des souffrances constants, se trouvent dans une situation privilégiée que tous les chrétiens devraient également connaître : celle d'être "étrangers et pèlerins" sur cette terre (He 11,13 ; 1Pt 2,11). Cela ne signifie évidemment pas qu'il ne faut pas se battre pour que les chrétiens locaux puissent avoir une patrie, une vie digne et paisible, une société juste sans discrimination d'aucune sorte. Au contraire, cela signifie adhérer à l'appel que le Seigneur nous a lancé, tout d'abord en Terre Sainte - déjà à l'époque pleine de conflits, de conspirations, d'usurpations de terres, d'injustices sociales et religieuses - pour être sel, lumière et levain dans le monde. L'important n'est pas qu'il y ait beaucoup de sel dans un plat, mais que le peu de sel qu'il y a, ne perde pas sa saveur et sale vraiment. Tout ne doit pas être lumière dans ce monde, il suffit d'une petite lumière, mais une lumière qui brille vraiment. Il n'est pas nécessaire non plus de mettre beaucoup de levain dans la pâte : un peu suffit si elle fermente vraiment.
Cela signifie qu'il est plus que jamais nécessaire pour les chrétiens de Terre Sainte de revenir aux sources de leur foi, d'être fidèles à la parole et à la grâce de Jésus-Christ, de refaire le pèlerinage de la foi. Il est nécessaire de revenir à la radicalité de la vie chrétienne, qui n'est jamais un fondamentalisme : "radicalité" signifie revenir aux racines de notre baptême et de notre foi, à la nouveauté du Christ, au cœur de l'Évangile qu'est le Sermon sur la Montagne et donc d'aimer nos ennemis, au centre de notre identité chrétienne qu'est le mystère pascal du Christ, à la nature divine qu'il nous a donnée par son Esprit et qui fait de nous des créatures nouvelles, capables d'aimer au-delà de la mort.
Jérusalem, enfin, est un miroir de ce que nous sommes tous. Nous ne devons pas être scandalisés par ses blessures, ses contradictions ou même ses péchés. Le pèlerin "néophyte", en voyant les divisions et les péchés de Jérusalem, est choqué : il n'a qu'à entrer dans le Saint Sépulcre ! Le pèlerin "initié", quant à lui, sait que la "dualité" de Jérusalem - terrestre et céleste - est aussi la sienne. Nous aussi, nous sommes, comme la Jérusalem d'ici-bas, pleins de chaos, de contradictions, d'injustices faites et subies, de confusions, etc.... Et pourtant, c'est la Jérusalem concrète que Dieu a choisie, tout comme il nous a choisis, pour nous transfigurer à partir de nos blessures et pour manifester en nous la Jérusalem céleste, afin que nous devenions, dans cette "tente" faible et précaire qui est la nôtre, un temple vivant de l'Esprit Saint, la demeure de Dieu parmi les hommes, un pont entre le ciel et la terre, entre la Jérusalem d'ici-bas et la Jérusalem d'en haut, "qui est libre et notre mère à tous" (Ga 4, 26).
[1] Cf. G. Marcel, Homo viator. Prolégomènes à une métaphysique de l'espérance, Turin 1967
[2] B. Pascal, Pensées, n° 205 [139], dans J. Chevalier (éd.), L'oeuvre de Pascal, Paris 1936, 875
[3] E. Lévinas, "La trace de l'autre", in A la découverte de l'existence avec Husserl et Heidegger, Milan 1998, 219
[4] Cf. Deut. 12,5,11,14,18,21,26 ; 14,25 ; 15,20 ; 16,2,6-7,11 ; 17,8,10 ; 18,6 ; 26,2.
[5] Ainsi dans 1 Rois 8:29 ; Ezd 5:15 ; 2Mac 1:29 ; 2:18 ; 3:2 ; 8:27 ; 13:24.
[6] Cf. A. Marmorstein, The Old Rabbinic Doctrine of God, I. The Names and Attributes of God (PJC 10), Londres 1927, 92 ; E.E. Urbach, The Sages. Their Concepts and Beliefs, I, Jérusalem 1975, 63-79.
[7] Philon, Som 1, 61-63 (notre traduction).
[8] Déjà pour les Babyloniens Bab-Ilu (" Babylone "), la " porte de Dieu ", était le centre de la terre, tandis que pour les Grecs l'omphalos, le " nombril " du monde, se trouvait dans la partie la plus intérieure du temple d'Apollon à Delphes.
[9] Jub 8:19 (notre traduction). 1Hen 26,1-2 nomme la " montagne sainte " et le " lieu béni " (très probablement le temple de Jérusalem) avec l'expression " centre de la terre ", tandis que Flavius Josèphe, Bell 3,52, atteste que Jérusalem était appelée le " nombril de la terre " (cf. Ant 3,180-185), et Philon, LegGai 281,294 ; Flacc 46, la considère comme la Metropolis, la " ville mère " et la " capitale du monde ".
[10] Cf. Tan Qedoshim 10 (notre traduction) ; cf. b.San 37a.
[11] CavTes (versets arabes) 96a,11-14,16-18 (notre traduction) ; 96b,7-8 ; cf. CavTes (Ms. Or) 5,10-11.
[12] Origène, Comm Mt 126
[13] Egérie, Itin 47,3-4, nous informe qu'au Saint-Sépulcre la liturgie et la prédication étaient en grec, mais qu'il y avait un traducteur en syriaque (araméen). En outre, bien qu'à partir de 451 les Patriarches de Jérusalem aient été grecs, la population locale était mixte : outre les Grecs, il y avait des Arabes, des Syro-Araméens, des descendants des Nabatéens, des Samaritains, des Moabites, etc... Grâce à la notoriété et à l’attractivité des Lieux Saints, de nombreux pèlerins de diverses ethnies se sont installés de manière permanente en Terre Sainte, certains d'entre eux y sont devenus moines. Sur le Mont des Oliviers, par exemple, il y avait des moines priant en grec, en géorgien, en syriaque, en arménien, en latin et en arabe !