Message de Carême 2019
Chers frères et sœurs,
Nous nous apprêtons à célébrer le Carême, « signe sacramentel de notre conversion ». Je voudrais que tous, unis à notre Eglise, nous revenions à la conscience qui anime la liturgie et la foi des chrétiens de notre temps. Car l’expression que la liturgie emploiera ces jours – « quadragesimale sacramentum », sacrement quaresimal – n’est pas d’abord l’expression d’une œuvre qui serait nôtre, ni même de notre invention. Dans les jours qui s’ouvrent devant nous, ce sera le Christ lui-même qui entrera dans nos déserts, qui expérimentera nos tentations, et qui nous unira à sa victoire. Ainsi nous pourrons de nouveau, participer avec Lui à son triomphe pascal sur le péché et sur la mort.
Il me semble primordial, pour moi et pour notre Diocèse, de tourner le regard vers le Seigneur, de renouveler ma confiance et la vôtre en Sa présence et Son action. Et ceci est particulièrement vrai en ces moments si difficiles pour l’Eglise et pour le monde, lorsque notre foi et notre espérance semblent justement plus compliquées à vivre. Si l’Eglise n’a pas hésité à définir le Carême et Pâques comme des « sacrements », c’est bien pour nous rappeler que maintenant et ici, Jésus lui-même, dans la force de l’Esprit et dans l’obéissance de notre foi, se trouve à nos cotés. C’est avec nous qu’Il parcourt la route du désert, jusqu’à ce que nous arrivions au jardin de Pâques, devant Son tombeau et nos tombeaux, désormais vidés de toute angoisse et douleur de mort.
Voilà le don et l’engagement de ce temps de Carême : défier le désert. Il nous faut donc affronter l’aridité de nos vies et de nos activités, y compris pastorales, sans tomber dans l’illusion du raccourci du miracle, du compromis, de la méfiance ou, encore pire, du péché. Au contraire, il nous faut partager la confiance et l’espérance de Jésus en l’amour du Père et la beauté du Règne. Le Christ, dans le désert, dans la tentation, dans le découragement, dans la perte de confiance, a injecté la force de l’Esprit. Et cet Esprit fut bien promis à ceux qui, comme Jésus, font confiance et se confient à la Parole de Dieu. « Il est écrit » aussi pour nous, que Dieu est fidèle et que à nous aussi des anges nous sont envoyés pour consoler notre fatigue et soutenir notre marche (Mc 1,13). Il est écrit qu’il existe aussi pour nous un exode pascal de la mort à la vie, de l’esclavage à la liberté, de la méfiance à l’espérance.
En ce temps qui est le nôtre, dans notre Eglise, dans nos communautés, tellement éprouvées et parfois si proches du désert quaresimal, nous pouvons célébrer en « esprit et en vérité » le sacrement du Carême. Et il nous faut donner encore et toujours plus de place à l’écoute de la Parole de Dieu. Il nous faut aussi « jeûner » de l’égoïsme, de l’individualisme et de la méfiance. Il nous faut accueillir le pauvre et le nécessiteux. Ce n’est qu’à ce prix que, dans nos vies ainsi libérées de toutes fausses sécurités et rendues disponibles au don et au partage, la fécondité de Pâques pourra se frayer un chemin. Cette Pâque sera alors véritablement la Vie qui naîtra de l’offrande de nous-mêmes.
« En tant que coopérateurs de Dieu, nous vous exhortons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de lui » (2 Co 6,1). Que ce soit de manière personnelle ou en communauté, que chacun de nous « en ce temps favorable » puisse retrouver des occasions d’écouter la Parole de Dieu. Ces occasions sont multiples : si nous retournons à la prière dans nos paroisse ; si nous revenons à l’écoute de Dieu avant de nous écouter nous-mêmes ; si nous célébrons avec foi et conviction le sacrement de la réconciliation ; si nous retrouvons le sens du jeûne dans nos vies ; si nous renonçons résolument à ce qui remplit le ventre mais ne rassasie pas le cœur ; si nous revenons à l’Eucharistie, non comme un rite mais comme une école où l’on apprend que seul l’amour reçu et partagé apaise vraiment notre faim de vie et de bonheur ; si nous consentons à donner au lieu d’accumuler, comme nous le rappelle avec toujours plus de force le Saint Père, car ce sont les autres et leur salut, et non pas moi, qui sont la raison de notre existence et de notre agir de chrétiens et de consacrés.
Que l’Esprit Saint qui pousse le Christ, et nous aussi, dans le désert du monde (Lc 4,1), pour que nous le transformions par notre foi en un jardin, nous illumine, nous accompagne et nous ouvre à la nouveauté de l’existence pascale.
Notre diocèse arrive pratiquement à la troisième année de cette période particulière. Il est donc temps d’envisager les premiers bilans et états des lieux de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire. Je vous invite donc tous à prier particulièrement pour notre Eglise, pour ses pasteurs et pour tous ceux qui œuvrent en elle et pour elle.
Bon chemin de Carême à tous !
†Pierbattista Pizzaballa