Message de Noël de Mgr Pierbattista Pizzaballa
Administrateur Apostolique du Patriarcat latin
« Les bergers se disaient entre eux : ‘Allons jusqu’à Bethléem pour voir ce qui est arrivé, l’événement que le Seigneur nous a fait connaître’. Ils se hâtèrent d’y aller, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. » (Lc 2,15-16).
Les Évangiles de Noël, comme ceux de Pâques, sont pleins de verbes de mouvement. La naissance de Jésus, sa venue vers nous a en effet provoqué une sorte « d’effet domino » : Marie et Joseph, les anges, les bergers, les mages… tous sont en mouvement, se déplacent d’un endroit à un autre. Tout cela grâce – ou à cause – de la naissance apparemment normale d’un enfant dans la Bethléem de l’époque.
Les bergers, pour comprendre ce que le Seigneur leur avait annoncé par les anges, devaient se mettre en marche. « Allons jusqu’à Bethléem… Ce n’est qu’ainsi qu’ils ont pu voir et enfin connaître, c’est-à-dire faire l’expérience de ce qui leur avait été annoncé par les anges.
L’invitation nous est également adressée aujourd’hui. Partir, voir, pour connaître.
« Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » (Lc 2,12). Que nous montre le signe de Bethléem ?
Si cette question s’adressait à notre communauté ecclésiale, que pourrions-nous répondre et comment ? Qu’avons-nous vu et découvert cette année qui s’achève et que pouvons-nous attendre de la prochaine année qui commence ?
Si nous ne cherchions l’espoir que dans nos propres petits événements humains, nous aurions bien peu de chemin à parcourir.
Nous devons faire face à la fragilité de la vie politique, perçue comme étant de plus en plus loin de la vie réelle de la population et apparemment incapable de traiter de manière systématique les énormes problèmes sociaux et économiques de notre région. Il est difficile, dans ce contexte, de voir comment il est possible d’envisager et d’espérer la moindre bouffée d’air frais sur la question israélo-palestinienne, qui pèse sur la vie d’une grande partie de notre communauté. Nous voyons tant de propositions de solutions voler au-dessus de nos têtes, mais nous ne les voyons jamais atterrir et aboutir à quelque chose de concret. L’arrivée de toujours plus de pèlerins du monde entier apporte le sourire à de nombreuses familles, qui peuvent ainsi travailler en toute sérénité. Malgré cela, dans une grande partie du territoire de notre diocèse, le travail reste le principal problème pour beaucoup de nos familles. Nous assistons également à la détérioration des conditions de vie de nombreux travailleurs étrangers et immigrants. L’idée d’émigrer devient une tentation, une pensée persistante chez beaucoup d’entre nous. Je pourrais continuer longtemps avec cette litanie de difficultés. Tout, en somme, semble nous dire que parler d’espoir n’est qu’une simple rhétorique, qui semble loin de la réalité bien concrète de notre pays.
Souvenons-nous alors que les temps de Jésus n’étaient pas meilleurs que les nôtres. Il y avait l’occupation romaine, il y avait Hérode, il y avait les différents centres de pouvoir… au fond, l’homme ne semble pas avoir beaucoup changé depuis lors.
Mais malheur à se résigner ! Ce n’est pas ça le message de Noël. La naissance de Jésus n’a effacé aucun des drames politiques, sociaux et économiques de son temps. Jésus n’est pas venu révolutionner les structures sociales de son époque, il ne voulait pas conquérir le pouvoir, mais le cœur de l’homme. C’est ainsi qu’il a changé le monde.
Mes pensées et mes remerciements vont donc à tous ceux et celles qui, avec amour, en silence et sans clameur, donnent encore aujourd’hui leur vie et leur cœur gratuitement.
Aux parents qui, malgré les nombreuses difficultés, ont le courage de regarder vers l’avenir et de donner une espérance à leurs enfants. Aux nombreux salariés et bénévoles qui dépensent leur énergie dans les hôpitaux, les maisons de retraite et les foyers pour personnes handicapées. À nos jeunes qui ne renoncent pas à rêver d’un avenir meilleur. A tous ceux qui travaillent pour la justice et la dignité pour tous. A nos prêtres, religieux et religieuses qui, malgré parfois la solitude et les malentendus, continuent à donner leur vie pour leur communauté. En bref, à ceux qui ont compris qu’être chrétiens signifie donner la vie, aimer gratuitement, sans rien attendre pour soi-même, parce que l’on a déjà tout. Ce sont des gens qui ont une grande espérance dans leur cœur, un désir sincère et profond qui les fait sortir d’eux-mêmes et les rend attentifs aux autres. Ce n’est qu’avec une telle espérance, celle que l’Esprit Saint a mis en nous, que nous parviendrons réellement à changer le monde.
Après avoir visité la plupart de nos communautés paroissiales et religieuses, je dois dire qu’aujourd’hui encore, et malgré toutes nos limites, cela se produit toujours. Parmi nos nombreuses contradictions, en effet, j’ai rencontré partout des gens heureux, dévoués avec constance au service de leur famille, de leur communauté, de leur réalité de vie.
Ils sont l’espérance de notre Église. En eux, ici, le vrai Noël est encore célébré.
Puisse leur exemple et leur vie continuer à changer le cœur de beaucoup. Je suis sûr que ce n’est qu’ainsi que nous pourrons vraiment rendre heureuse notre tourmentée Terre Sainte.
Joyeux Noël et Bonne Année !
+ Pierbattista