Né le 4 janvier 1948 à Zerka, William était le fils aîné d'une famille de Madaba dont le père Jamat était allé chercher du travail dans cette ville qui prenait essor. Né à Zerka, il était baptisé à Amman, puis confirmé à Madaba où sa mère Néjmeh, appartenant aussi à la tribu des Ya'koub, était revenue. La famille s'accroissant jusqu'à 5 enfants, 2 garçons et 3 filles, le père allait ensuite chercher au Golfe un travail plus rémunérateur. Il mourut en 1975, après l'ordination de son fils Aine.
La formation
William fréquenta à Madaba l'école paroissiale très bien tenue par D. Georges Saba, un curé très dynamique. En septembre 1959, D. Saba envoyait au petit séminaire patriarcal de Beit Jala, alors en Jordanie, le petit William qui venait de terminer à 10 ans et demi sa 6e élémentaire. Cet élève moyen était très bon, pieux et voulait être prêtre. Ses parents l'agréaient, sa mère surtout, qui avait un moment pensé devenir carmélite à Nazareth. Dans sa classe nombreuse et brillante du séminaire, où William avait deux condisciples de Madaba, il fit des études sérieuses. En septembre 1965, il entrait au Grand séminaire, toujours bien stimulé dans sa classe. Celle-ci fournissait en juin 1972 la plus belle ordination de l'histoire du séminaire depuis 1852, avec 8 prêtres, dont William était le doyen. Ordonné à Jérusalem le 24 juin 1972 avec ses 7 condisciples, dont deux de Madaba, Jihad Shuweihat et Hicham Daba'in, D. William était ensuite chaleureusement fêté à Madaba par D. Saba et ses compatriotes.
À Ramallah
Il était ensuite affecté pendant 3 ans comme vicaire à la paroisse palestinienne de Ramallah, chez un curé fort dynamique aussi, avec un collège secondaire du Patriarcat et un lot d'œuvres de jeunesse. Il y avait de quoi bien occuper et former le vicaire, à la bonne école du curé. Celui-ci s'absentant régulièrement pour suivre le Patriarche en Jordanie, D. William pouvait y prendre le sens des responsabilités. Il connut, à partir de 1967, les débuts de l'occupation israélienne. En octobre 1973, à la guerre de Kippour, Israël fut surtout occupé avec son armée sur le canal de Suez. D. William n'a pas connu, à partir de 1975, les récentes années, où les colonies sionistes se sont multipliées en zone arabe, y suscitant naturellement des réactions hostiles. Celles-ci, à leur tour, provoquaient des duretés croissantes de répression sioniste. Ramallah est devenu un point chaud de la résistance palestinienne. Les incidents n'y ont plus cessé, en attendant ceux plus graves de l'Intifada, dont avait à souffrir personnellement un vicaire successeur de D. William, le 11 janvier 1988.
En service au Golfe arabe
En novembre 1975, D. Willaim était affecté à l'aide de l'évêque, Vicaire apostolique d'Arabie, dans les Émirats du Golfe. Ceux-ci comptaient un bon nombre des quelques 300.000 travailleurs chrétiens alors au travail dans la Péninsule arabique. D. William s'y trouvait seul prêtre arabe latin. Il avait à parcourir de grandes distances, couvrant les 7 Émirats, le sultanat d'Oman, Bahreïn et le Qatar. Les chrétiens y étaient disséminés, les familles, difficiles à trouver, et plus encore, les travailleurs isolés. Au sortir de Ramallah, ce Ministère itinérant soudain était une dure surprise.
Heureusement qu'au début de 1976, son condisciple et confrère, D. Maroun Lahham, lui venait en renfort et prenait le service des Émirats du nord, Dubaï, Sharjah et le sultanat d'Oman, à 450 km d'Abou Dhabi, sa résidence normale. Là aussi, après la mort de Mgr Ciacci, arrivait un nouvel évêque, Mgr Bernardo Gremoli, capucin venant de Rome, d'esprit bien ouvert, intelligent. Il serait pour les deux séculiers un vrai père, comme pour ses moines capucins. Il restait à D. William le service aussi de Bahreïn, du Qatar et de deux postes pétroliers, Abou Hassa et le port de Jebel Khana, en trajets de deux heures avec les petits avions des Compagnies. Une difficulté majeure de son ministère spécifique, celui des Arabes et aussi des étrangers, français et anglais, était que ces travailleurs n'étaient accessibles que tard, après leur travail. Ces rencontres tardives obligeaient à des retours dans la nuit avancée. Invité par Mgr Gremoli à Abou Dhabi en janvier 1978, je constatai la différence du ministère des curés capucins, habitués à leurs fidèles indiens qui venaient d'eux-mêmes, et du ministère, surtout de nuit auprès des éléments arabes, gênant une convivence normale. Les retours de nuit en auto à grande vitesse n'étaient pas sans dangers sérieux, par rencontre de chameaux en liberté, croisant les routes. C'était un régime harassant, pouvant menacer aussi l'équilibre physique et spirituel de jeunes prêtres lancés en pareil tourbillon. Mais tous deux le trouvaient consolant et passionnant. Par ailleurs, l'évêque les traitait comme des fils ; lui-même, et leurs fidèles, ne les laissaient manquer de rien. Ce stage missionnaire au Golfe leur restait ensuite un très vivant souvenir apostolique.
En Jordanie, à Khirbeh
En 1979, à la fin de son stage missionnaire au Golfe, D. William revenait en Transjordanie. Le patriarche Beltritti l'affectait à la paroisse de Khirbeh, un village du Jebel Ajloun, surplombant la vallée du Jourdain, proche de la patrie du Prophète Elie. À Khirbeh, D. William se trouvait, en bien des aspects, aux antipodes du Golfe. Finies les recherches harassantes de ses fidèles ; il les trouvait bien ramassés dans leur paisible village. Il y trouvait une intéressante école de quelque 230 élèves, dont il s'occupait avec beaucoup de zèle et dont il complétait l'aménagement avec une cour bétonnée. Avec son auto, ramenée du Golfe, il pouvait aller encore assurer des classes de catéchisme au collège de Terra Santa d'Amman. Profitant de ses loisirs, il s'inscrivait à l'université de Kaslik au Liban et y prenait une licence, avec un travail sur liturgie et catéchèse. C'était un sujet qui lui tenait à cœur, qu'il pratiquait avec ses élèves dans son église, ornée par Michelini de la geste de saint Elie. Il assurait aussi à Amman un cours de liturgie. À Khirbeh, il n'avait pas à faire un trajet de 157 km, comme entre Abou Dabi et Dubaï. Il avait tout proche ses confrères, les curés d'Ajloun et d'Anjara, plus au nord, ceux de Hosson, Shatana et Irbed. Il avait aussi le réconfort très apprécié de la présence de sa mère, venue tenir sa maison.
À Kérak en 1988
En juillet 1988, le nouveau Patriarche latin, S. B. Mgr Michel Sabbah, sur l'insistance du curé qui demandait à être transféré de Khirbeh, nommait D. William curé de la paroisse latine de Kérak. Ouverte en 1876 par un saint missionnaire, Abouna Skandar (1876-1903), cette paroisse a été la mère de celles de Madaba (1880) et de Smakieh (1909). D. William y trouvait une belle église bénite en 1939, une forte école de 609 élèves dans des locaux récents assez modernes, un vieux presbytère de 1898-1902, retouché en 1962, mais en besoin senti de renouvellement. Un ex-séminariste de son époque, M. Sameh MDANAT, au travail en Arabie, a laissé sa maison de Kérak à la disposition de D. William pendant les travaux d'aménagement du vieux presbytère. C'est là, après avoir pris contact avec Kérak et ses nouveaux paroissiens, que D. William recevait l'appel du Seigneur, avant qu'il ait pu donner sa mesure en sa nouvelle paroisse.
L'appel du Seigneur
Le 4 mars, le P. Grech, ancien recteur de D. William au Petit séminaire, en visite chez lui à Kérak, le trouvait souffrant de violents maux de tête. Plusieurs docteurs qu'il avait consultés n'y avaient rien vu d'inquiétant. Le lundi 6 mars au soir, alors que sa mère l'avait quitté pour Madaba, lui-même se sentant mal, demandait par téléphone à son confrère Melkite de venir passer la nuit chez lui. Au matin du mardi 7, à 3 h, la congestion le frappait. Encore conscient, il ouvrait le téléphone au numéro du curé Melkite, puis allait tomber à la porte de la chambre. Le curé Melkite, averti la veille, intrigué par cet appel sans suite, arrivait aussitôt chez lui et le trouvait étendu sur le sol. Cependant, dans un instant de conscience, D. William pouvait lui dire : « Je suis perdu, l'absolution et l'onction ! » Le prêtre les lui donnait sans retard et le malade pouvait répéter sa demande avant de retomber dans un coma définitif.
Transporté à l'hôpital italien de Kérak même, le docteur impuissant faisait organiser son transfert en ambulance à la Cité médicale Hussein de l'armée, à l'ouest d'Amman. L'opération au cerveau faite quelques heures après la congestion faisait porter par les docteurs un diagonistic très réservé. Le 12, on estimait le cerveau irrémédiablement atteint. Cependant, on lui continuait un traitement, maintenant le cœur en marche. Cela laissait la possibilité d'utiliser encore le cœur et les reins pour sauver des vies.
Les 3 premiers malades, en attente sur la liste du Centre médical Hussein, des musulmans, allaient être sauvés par ces organes de ce prêtre madabéen du Patriarcat. Ce don, douloureux certes, mais si généreux, de la famille, mère, frère et sœurs, était à juste titre apprécié et proclamé par les mass média. Le Roi Hussein le soulignait hautement dans une lettre à S. E. Mgr Sayegh, l'auxiliaire du Patriarche en Jordanie :
« C'est là un acte sublime de grand sacrifice, excellent exemple pour d'autres citoyens ». Je suis tout pénétré d'un sentiment de peine pour la perte de père William Sawalha et je partage la douleur de la famille éprouvée, mais en même temps, je suis rempli de fierté de cette action grande et bénie. En disparaissant, père William a laissé après lui son cœur qui vit maintenant dans le corps de Jamal Hussein et il a laissé ses reins qui donnent vie nouvelle à Merwan Qutaish et Ibrahim Dadouh. La Jordanie doit ce noble acte à feu père William et tous les Jordaniens en sont fiers. Que Dieu bénisse l'âme du prêtre disparu et réconforte sa famille éprouvée par sa perte.
C'est une équipe de chirurgiens jordaniens, sous la direction du Dr. Daoud Hanania, qui réalisait cette transplantation du cœur le 22 mars au Centre médical Hussein.
Le 23 mars, Madaba honorait les restes de P. William avec des obsèques vraiment triomphales par une assistance extraordinaire et des sentiments de grande estime évidente pour le prêtre défunt et sa généreuse famille. S. E. Mgr Sayegh présidait la messe concélébrée avec les confrères du défunt. L'évêque ému y exprimait les sentiments de tous dans cette manifestation de prière pour l'âme de P. William et de condoléance pour sa famille éprouvée.