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1913 Mgr Léandre Girard (1890-1964)

Né: 10.8.1890 à Le Russey (Pontarlier, France)

Études:

  • Études élémentaire chez les Maristes à Russey
  • 15.5.1903: Rejoint le Petit Séminaire du Patriarcat latin par l'Abbé Mounier en pèlerinage de pénitence
  • 1.5.1910: La Tonsure et Les Premiers Ordres Mineurs
  • 1.4.1911: Les Derniers Ordres Mineurs
  • 29.9.1912: Le Sous-Diaconat
  • 15.2.1913: Le Diaconat

Ordination: 2.7.1913 par S.E. Louis Piccardo à la Pro-cathédrale du Patriarcat latin de Jérusalem

Nominations & Activités:

  • 10.1913: Vicaire de la paroisse de l'Assomption de Notre-Dame à Salt avec le curé P. Antoun Abedrabbo
  • 1914: Vicaire d’Amman 
  • 2.9.1914: Service militaire Besançon, France
  • 12.1914: Campagne de Soissons jusqu'à 9.1915
  • 10.10.1915: Décoré en Champagne
  • 30.5.1916: Décoré à Verdun
  • 1917: Légèrement blessé sur la Somme
  • 9.10.1917: Interprète en Italie (Après la fin de la guerre)
  • 25.7.1919: Démobilisé
  • 25.1.1920: Retour en Palestine
  • 2.1920: Pro-Chancelier du Patriarcat avec le P. Philippe Talvacchia jusqu'à 10.1920
  • 18.12.1920: Curé de la paroisse de la décollation de Saint-Jean-Baptiste à Madaba, en Jordanie jusqu'au 13.11.1922
  • 1.10.1922: Directeur de l'Institut patriarcal latin
  • 14.9.1923: Curé de la paroisse de l'Assomption de Notre-Dame à Salt, en Jordanie jusqu'au 23.9.1925
  • 1.10.1925: Curé de la paroisse de la Sainte-Famille à Ramallah, en Palestine jusqu'au 10.9.1929
  • 11.8.1928: Administrateur de la paroisse du Christ-Roi à Amman, en Jordanie à la mort de Mgr Antoine Faragalli jusqu'au 12.9.1928
  • 25.8.1929 Investi Chanoine du Saint-Sépulcre
  • 10.9.1929: Curé de la paroisse du Christ-Roi à Amman, en Jordanie jusqu'au 4.5.1935
  • 1929: Début de la construction de l'église en son temps d'Amman
  • 3.12.1929: Président du tribunal ecclésiastique diocésain de Jérusalem et Vicaire général du Patriarcat latin de Jordanie
  • 8.10.1930: Camérier secret de Sa Sainteté par le pape Pie XI
  • 3.12.1930: Vicaire Général de Transjordanie jusqu'au 1.5.1935
  • 4.5.1935: Curé de la paroisse de l'Immaculée Conception à Birzeit, en Palestine jusqu'au 10.8.1942
  • 11.8.1942: Procureur général du Patriarcat latin de Jérusalem et Aumônier du Collège des Frères des Écoles Chrétiennes jusqu'à sa mort
  • 11.5.1952: Chevalier de la Légion d'Honneur
  • 1952: Début de la construction 2ème du presbytère en son temps d'Amman jusqu'en 1953
  • 2.7.1963: Célébration de son jubilé d'or sacerdotal à Jérusalem

Voyages:

  • France (7.1913-10.1913) (12.8-28.9.1955) (7-8.1960)
  • Rome, France (7.7-18.9.1951)

Mort: 6.12.1964 au Patriarcat latin, des suites d'une thrombose, à l'âge de 74 ans

Enterré: 7.12.1964 à Gethsémani

Mgr Léandre Girard était le procureur général du Patriarcat latin depuis 22 ans. La figure de ce prêtre, toujours jovial et toujours en activité, était donc bien familière à tous les visiteurs du Patriarcat. Depuis quelque temps, on voyait bien sa barbe blanchir. On le sentait fatigué. Lui-même se savait et se disait menacé. Cependant, quand on l'a trouvé mort dans sa chambre, au matin du dimanche 6 décembre, la nouvelle a bouleversé tout le monde.

On ne pouvait croire à la disparition de ce prêtre bon et dévoué qui, depuis si longtemps et pour tant de gens, représentait le Patriarcat. Cette mort soudaine, à laquelle il s'attendait, a terminé brusquement une belle carrière de missionnaire au service de la Terre Sainte.

Il était né le 10 août 1890 à Russey, dans le Doubs en France. Il fit 6 ans d'études élémentaires chez les Maristes. Le directeur de son école écrivait de lui à Jérusalem, le 28 avril 1903, que Léandre Girard était un enfant « bon, docile, pieux, de bon jugement et excellent caractère qui le font aimer et estimer de tout le monde ». À la fin de la vie du missionnaire, il n'y a pas un mot à retrancher de ce portrait de l'enfant.

La vocation sacerdotale de Léandre fut aiguillée vers la Terre Sainte sous l'influence de D. Adolphe Perrin, un de ses compatriotes, qui était déjà missionnaire au Patriarcat. Ce fut le curé du Russey qui, venant en pèlerinage à Jérusalem, y emmena l'enfant de 13 ans. Il entra le 15 mai 1903 au petit séminaire patriarcal où il trouva comme professeur D. Perrin son compatriote. Tonsuré le 1er mai 1910, il fut ordonné prêtre le 2 juillet 1913, à la conca­thédrale, par Mgr Piccado, l'évêque auxiliaire, avec 4 condisciples : D. Louis Odeh, de Birzeit († 1925) et trois Français, D.D. Henri Goutay. François Jollec et Jean Le Marc' Hadour.

Après son ordination et des vacances en France, D. Léandre rejoignit la mission de Salt. Il y fut vicaire, avec D. Marc'Hadour, de D. Antoun Abderabbo, missionnaire très remarquable qui devait mourir en 1916, victime de son héroïque dévouement aux typhés de Hoson. De Salt. D. Girard allait à cheval desservir, à 30 km à l'est, la succursale d'Amman qui n'était encore qu'un village, parsemé des ruines antiques. De la maisonnette louée qui lui servait de mission, D. Léandre descendait le matin faire sa toilette au ruisseau de la vallée.

À la déclaration de guerre, en 1914, il regagna la France et fut incorporé à Besançon dans le service auxiliaire. Dès le mois de décembre, il était en ligne à Soissons. Il fut cité pour actes de courage en Champagne, le 10 octobre 1915 et à Verdun en 1916, puis légèrement blessé sur la Somme en 1917. Il termina la guerre en Italie comme interprète. Le 8 mai 1918, il donnait lui-même à Mgr F ellinger le résumé de ses quatre ans de guerre : « Malgré toutes les péripéties et toutes sortes de dangers, j'ai pu jusqu'ici m'en tirer avec une petite blessure insignifiante et 2 citations. » Depuis le 14 septembre 1914 jusqu'au mois de novembre 1917, j'ai été infirmier, brancardier, secrétaire de médecin, puis finalement interprète en langue italienne. Dans cette même lettre, il priait Mgr Fellinger d'insister auprès de M. Picot, représentant de la France à Jérusalem, pour le faire rappeler en Terre Sainte. Il lui tardait d'y reprendre son ministère apostolique. En fait, démobilisé seulement en juillet 1919, il arriva à Jérusalem le 25 janvier 1920.

Il passa d'abord quelques mois au Patriarcat même, où S.B. Mgr Barlassina l'avait affecté à la chancellerie. Le 18 décembre, il fut nommé curé de Madaba. Mais Mgr Barlassina l'en rappela en 1922 pour lui confier la direction de l'Institut patriarcal qu'il venait de fonder à Jérusalem. Quand cette œuvre devint l'Opéra cardinal Ferrari, D. Girard, disponible, revint, mais cette fois comme curé, à la paroisse de Salt d'où la guerre l'avait arraché 9 ans plus tôt.

De 1925 à 1929, il eut en charge la paroisse de Ramallah. En septembre 1929, Mgr Barlassina le nommait vicaire patriarcal d'Amman pour la Transjordanie. Il avait été fait chanoine du Saint-Sépulcre le 25 août précédent, et, le 8 octobre 1930, il fut promu camérier secret de Sa Sainteté, devenant désormais, pour tous, monseigneur Léandre. De son temps, Amman n'était encore qu'une toute petite ville. La mission venait d'être construite au sud du ruisseau, sur la route de Madaba, où, seule construction alors existante, elle semblait reléguée hors de la ville. Malgré 15 ans de sacerdoce de plus que ses jeunes confrères de Transjordanie, Mgr Léandre les accueillait chez lui avec une jeunesse d'âme et une jovialité qui supprimait les distances. La paroisse comptait alors à peine 400 fidèles. Le curé n'avait pas encore de peine à les visiter, gravissant sportivement les pentes raides des Jebels que les maisons commençaient déjà à escalader.

S.E. Mgr Gélat, qui lui succéda à Amman comme il l'avait déjà fait à Ramallah, a porté ce témoignage que Mgr Léandre administrait ses paroisses avec un grand zèle apostolique. Très soucieux de ses écoles, il avait aussi une sollicitude extrême pour former parfaitement ses enfants de chœur. Sa bonté et son imperturbable bonne humeur lui valaient toutes les sympathies. Il procura lui-même de ses deniers à cette mission d'Amman un terrain qui la mettait un peu au large et a été providentiel plus tard lorsque la mission s'est développée au rythme de la ville. Grâce à ses bonnes relations avec le Résident britannique, M. Cox, il put faire dévier la route du sud qui serait passée autrement devant le porche de l'église, coupant la mission en deux.

En 1935, Mgr Léandre tomba sérieusement malade, d'une sorte d'empoisonnement. Il dut quitter Amman et se reposer longuement. Mgr Barlassina, pour l'aider à se remettre, lui assura une mission plus paisible et de moindre responsabilité, la paroisse de Birzeit. Il y arriva le 4 mai 1935. Il allait y passer 7 années très paisibles, mais toujours apostoliques. Curé de Birzeit, il envoya au séminaire un de ses écoliers qu'il eut la grande joie de voir arriver au sacerdoce, D. Sleiman Samandar. Dans sa cure, il accueillait ses confrères avec son amabilité bien connue. Elle savait se teinter d'humour au besoin ; ainsi, avec un de ses voisins assez peu commode qui ne voulait boire qu'eau de source, pour le contenter, Mgr Léandre, qui n'avait que sa citerne, mit sur une jarre un poétique nom de fontaine. Le confrère, désormais satis­fait, déclarait chaque fois hautement apprécier la légèreté de cette eau et sa supériorité sur celle de la citerne !

En 1942, après la mort de Mgr Morcos, S. B., Mgr Barlassina nomma Mgr Léandre procureur général du Patriacat. Ainsi commençait, à 52 ans, la seconde partie de sa carrière patriarcale, la plus stable, qui devait durer 22 ans. Procureur, Mgr Girard eut à travailler souvent dans des conditions difficiles. La caisse patriarcale se trouvait trop souvent vide, alors que toutes les nécessités des missions venaient refluer chez le Procureur. Pendant 22 ans, Mgr Léandre a donc partagé les soucis constants de Mgr Barlassina d'abord, puis, pendant la vacance du siège, de Mgr Gélat et Mgr Testa, enfin de Mgr Gori. Mais avec son caractère optimiste et jovial. Mgr Léandre a toujours fait face avec bonne humeur à toutes ses tribulations financières. Pince-sans-rire, il avait toujours le bon mot qui détendait, même dans une situation difficile. Pendant la guerre de 1948, alors que les combats faisaient rage à Jérusalem et que les mines faisaient trembler le Patriarcat accolé au rempart, Mgr Léandre, qui avait connu les horreurs de Verdun, gardait tout son calme et sa bonne humeur, réparant inlassablement les dommages subis. En authentique Franc-Comtois, il avait le hobby des horloges qu'il arrangeait habilement. Aussi les coucous envahissaient sa chambre et il était toujours prêt à y mettre une main compétente. Au Patriarcat, il connaissait tous les recoins, toutes les canalisations et aussi toutes les citernes qu'il avait personnellement explorées. S.B. Mgr le patriarche le prenait régulièrement avec lui dans ses visites aux missions, tout particulièrement au séminaire de Beit Jala, et son flair de procureur l'amenait sur tout chantier en cours où il se trouvait chez lui. Mgr Léandre aimait le mouvement. S'il n'était pas au travail dans son bureau, aux prises avec les comptes, les créanciers ou les maîtres d'école, barette en tête, il veillait à tout dans le Patriarcat, mais en se gardant prudemment d'empiéter sur le domaine des Sœurs.

En prenant ses fonctions de procureur, Mgr Léandre n'abandonna pas les activités pastorales. Il a été pendant 18 ans l'aumônier du collège des Frères, contigu au Patriarcat. La communauté et les quelques 800 élèves, comprenant beaucoup de catholiques, constituaient ainsi, à sa porte, une belle paroisse où il pouvait déployer tout son zèle sacerdotal. Les Frères ne taris­saient pas sur la régularité parfaite de leur aumônier, sur sa discrétion et sur son dévouement inlassable. Mgr Léandre prêchait chaque dimanche, et en semaine aussi, il avait toujours quelques mots à dire à sa messe. Vers la fin, il lui arrivait bien, comme à Saint-Jean, de se répéter et de lasser un peu les grands élèves plus exigeants. Mais tous étaient également conquis par sa bonté et l'intérêt très sincère qu'il portait à chacun d'eux. Chez les Frères, comme dans ses paroisses, Mgr Léandre formait avec beaucoup de sollicitude les enfants de chœur, n'y ménageant ni son temps ni ses visites. Le dernier directeur lui a rendu ce beau témoignage qu'il n'avait encore jamais trouvé un prêtre aussi possédé que Mgr Girard par un souci pastoral permanent. C'est aussi à juste titre que le directeur précédent avait fait décerner à cet aumônier si zélé un diplôme d'affiliation à l'Institut des Frères.

Déjà décoré pendant la guerre pour ses actes de bravoure dans son ministère de brancardier, Mgr Girard fut encore nommé en 1952 chevalier de la Légion d'honneur. Une cérémonie réunit autour de lui à Sainte-Anne tous ses amis et M. Neuville, bien que déjà touché à mort, voulut lui remettre lui-même cette décoration. Mgr Girard en portait d'ailleurs le ruban avec grand détachement.

Toujours prêt à rendre service, Mgr Léandre ne savait pas se ménager. On le rencontrait souvent dans les rues de Jérusalem, pour ses affaires ou celles de ses obligés, toujours prêt à échanger un bon mot avec ses innombrables connaissances. Le retour au Patriarcat par les ruelles montantes lui était cependant pénible en ces dernières années, alors que son cœur était déjà bien touché. Mais rien ne pouvait arrêter son sens du dévouement. Il avait encore deux de ses sœurs à Nanterre. Il revenait à des espaces raisonnables pour reprendre contact avec sa parenté et s'arracher pour quelque temps à ses soucis de procureur.

Le 2 juillet 1963, il avait fêté son jubilé d'or sacerdotal. Il chanta une messe d'action de grâces à ce même autel de la concathédrale où 50 ans auparavant, le 2 juillet 1913, Mgr Piccardo l'avait ordonné prêtre. Ce fut l'occasion d'une belle fête de famille où, avec S.B. Mgr le Patriarche, S.E. Mgr Gélat, la Curie, ses confrères, les Frères des Écoles chrétiennes et tous ses nombreux obligés, elle exprima leurs sentiments d'affection et de vénération.

La santé de Mgr Girard était déjà atteinte depuis quelques années. Il souffrait d'angine de poitrine. Il sentait souvent la lancinante douleur caractéristique irradiant du cœur jusqu'à la main. Il prenait des remèdes pour enrayer la coagulation du sang. Il se sentait gravement touché et, réaliste, ne se faisait aucune illusion. Mais il n'en modifiait pas son train de vie et son labeur, abandonnant à peine les longues courses trop harassantes. Il restait régulier dans le service des Frères et aussi aux cérémonies patriarcales où on était accoutumé à le voir remplir toujours le rôle de prêtre assistant. À le voir ainsi vaquer sans ménagement à ses occupations de procureur, on n'aurait pu soupçonner son état et la menace qui pesait sur lui. Mais à ses amis, il confiait ses appréhensions, toujours avec détachement et sur son ton mi-badin. La mort subite de Mgr Oesch, trouvé au matin, inerte, au pied de son lit, l'avait frappé. « Vous me trouverez ainsi un beau matin », disait-il. La veille encore de sa mort, il plaisantait avec les domestiques sur son dernier voyage, au cimetière de Gethsémani.

Le samedi 5 décembre au soir, il avait été très gai et jovial avec ses confrères après le dîner, se taquinant comme à l'ordinaire avec son ami D. Alonzo. Il regagna sa chambre comme chaque soir avant 9 heures. Vers 11 heures de la nuit, en passant devant sa porte, Mgr Hadweh était surpris d'apercevoir chez lui un rais de lumière. Au matin du dimanche 6, les Frérès, étonnés de ne pas voir paraitre leur aumônier toujours si régulier, vinrent s'informer au Patriarcat. On le cherchait inutilement partout. Quand on a forcé sa porte, on l'a trouvé étendu inerte au pied de son lit qui n'avait pas été défait. Il avait été emporté par la thrombose prévue.

La nouvelle s'en est aussitôt répandue dans le diocèse, attristant tous les amis de Mgr Girard. Son corps a été descendu à la cathédrale où il a été visité sans arrêt, entre autres par ses « paroissiens » du collège des Frères, désolés de la perte de leur aumônier. Le lundi 7, Mgr Semaan a célébré la messe des obsèques, assisté de D. Rafiq Chobach et D. Moussa Adéli, en présence de S.B. Mgr le Patriarche, de S.E. Mgr Gélat, de S.E. Mgr Abou Saada, du Rév.me P. Corbisier de la Trappe de Latroun, de ses supérieurs et représentants des communautés et d'une nombreuse assistance. Le grand séminaire patriarcal assurait le chant, avec la foule, pour cet ancien élève et grand ami du Séminaire. Après l'absolution donnée par le R.P. Picchi, curé de Jérusalem, S.B. Mgr le Patriarche a conduit le cortège jusqu'à Gethsémani. La tombe de Mgr Girard a été creusée sous les oliviers, à gauche de la basilique, là où reposent déjà bon nombre de ses confrères et amis. Le patriarche et sa curie, les missionnaires et ses connaissances qui l'ont accompagné pieuse­ment à sa dernière demeure, garderont le souvenir bien cher de ce prêtre irréprochable et zélé qui sut garder vivante sa flamme apostolique dans ses ingrates fonctions de procureur très consciencieux.